Réparable et plus écologique, le Fairphone garde encore l’image d’un téléphone peu performant et sujet aux pannes. Pourtant, il s’est amélioré. Des utilisateurs témoignent.
Il y a celles et ceux qui ne jurent que par le Fairphone, les autres qui regrettent leur choix. Et puis ceux qui hésitent à passer le cap. Le téléphone durable et équitable, lancé dès 2013 par une entreprise néerlandaise, mérite-t-il de débourser 579euros, prix du Fairphone4, dernier modèle sorti en 2021? Beaucoup ont en tête l’image d’un téléphone encombrant, peu performant, sujet aux pannes. Mais les évolutions réalisées ces dernières années changent peu à peu la donne.
«Il marche hyper bien! J’en suis très satisfaite, explique Emmanuelle à propos de son Fairphone3, sorti en 2019. Je l’utilise beaucoup, avec une trentaine d’applications installées. Mon ordinateur marche mal, donc je fais tout avec mon téléphone: acheter des billets de train, regarder des vidéos sur YouTube, faire des jeux…» Elle fait partie des quelque 100000Français qui se sont déjà laissés séduire par un Fairphone — une poussière au vu des 16millions de smartphones neufs vendus chaque année en France. Pourtant, Emmanuelle a bien failli passer à la concurrence il y a troisans quand son précédent Fairphone, le modèle2, l’a lâché. Celui-ci lui en avait fait voir de toutes les couleurs: «Pendant sixmois, la moitié de mon écran ne fonctionnait pas. J’ai tardé à le renvoyer au SAV. Quand je l’ai fait, ils m’ont renvoyé rapidement un nouvel écran, mais qui à son tour est tombé en panne au bout de quelque temps. J’ai dû en demander un autre. J’ai aussi eu des problèmes avec le micro, la batterie, l’appareil photo...» Des pièces qu’elle a pu remplacer, heureusement.
Au moment de choisir un nouveau téléphone, elle a commencé à regarder ce que proposaient les autres fabricants. «Mais il n’existe pas réellement d’alternative au Fairphone. J’allais finalement me résoudre à acheter un téléphone Xiaomi quand j’ai vu un reportage sur les conditions de fabrication déplorables des téléphones en Chine. Je me suis dit que je ne pouvais pas soutenir ça.» Elle rempile alors avec le Fairphone3, et loue la «transparence de dingue» du fabricant sur la façon dont il travaille avec ses fournisseurs.
Des conditions de travail décentes, un critère de choix essentiel
De l’extraction des minerais en Afrique à l’assemblage des composants en Chine, Fairphone s’engage à respecter des conditions de travail décentes, comme il l’explique dans son rapport d’impact 2021 (document en anglais). Un critère de choix essentiel pour Emmanuelle. Comme pour William, qui a utilisé son Fairphone2 pendant exactement cinqans et neufmois: «Même si le 100% transparence n’existe pas et que, pour l’entreprise, cela peut être difficile de tout contrôler, j’ai trouvé la démarche plutôt bonne et meilleure que les autres fabricants de téléphones.»
De son expérience avec le Fairphone2, William retient plusieurs petits dysfonctionnements et surtout trois pannes avec le module «microphone-port USB» qu’il a pu facilement remplacer les deux premières fois. «J’ai l’impression que le frottement entre le port USB et le câble USB endommageait petit à petit le microphone et celui-ci devenait inutilisable.» Malheureusement, la dernière année, l’entreprise ne fournissait plus ce module. «Clairement, je pense qu’il a fallu passer par des versions immatures du Fairphone pour que l’entreprise puisse gagner en professionnalisme.» Il est désormais détenteur du Fairphone4 depuis mars dernier.
«Il est robuste, et résiste bien à la chaleur et l’humidité»
Frédéric Bordage, fondateur de Green IT, un collectif d’acteurs qui œuvrent pour le numérique responsable, confirme «des progrès notables» entre les premières versions du Fairphone et la version3. «D’après les échos qui me reviennent, les utilisateurs sont tout à fait satisfaits de ce modèle.» La robustesse du téléphone est mise en avant par tous les utilisateurs que nous avons interrogés. «Je le fais tomber au moins quatrefois par jour sur du béton, explique Emmanuelle qui se qualifie comme peu précautionneuse. Je pense que l’appareil est très bien protégé grâce à sa grosse coque. Il résiste aussi super bien à la chaleur et l’humidité. Je travaille pour une ONG en Afrique et je n’ai encore jamais eu aucun souci.»
Sabrina, convertie au Fairphone depuis 2016, est elle aussi globalement satisfaite de cette version3. Malgré un problème de micro et de haut-parleur. «Il ne fonctionnait plus sans casque, reconnaît-elle. J’ai contacté le SAV, mais ce dernier semble plus lent à répondre qu’il y a quelques années. Peut-être parce qu’ils ont plus de succès?» Finalement, elle a décidé de commander directement la pièce sur le site pour 20euros. «Malgré ça, le problème a perduré. L’autre jour, j’ai fait tomber mon téléphone, et le micro s’est remis à fonctionner! Le problème provenait sans doute d’un faux contact.» Des désagréments qui ne remettent pas son choix en question, pour le moment. «Je peux le démonter et le réparer seule. Les pièces de rechange ne sont pas très chères. C’est un système très vertueux.» Le téléphone est d’ailleurs systématiquement livré avec un tournevis.
Un tournevis que Sophie, une autre utilisatrice, a beaucoup trop utilisé à son goût au cours des troisdernières années. «J’ai eu dès le début un problème de pixellisation sur mon écran. Je dévissais, je revissais, et le problème était résolu. Mais il réapparaissait toujours.» Jusqu’à un dimanche où l’écran ne s’est plus du tout allumé. «Mon téléphone m’est indispensable dans le cadre de mon travail, je suis vétérinaire. Sur un coup de colère, j’ai directement acheté un iPhone, déplore-t-elle aujourd’hui. J’aurais peut-être dû contacter la marque pour le faire réparer.»
Plus vous le gardez longtemps, moins son impact est élevé
«L’impact environnemental d’un téléphone provient principalement de sa fabrication», explique Arthur Guillaumee, chargé des partenariats au sein de Fairphone. Autrement dit, plus vous le gardez longtemps, moins son impact est élevé. Aussi Fairphone met-il tout en œuvre pour rendre ses appareils durables. iFixit, plateforme communautaire qui met gratuitement à disposition des tutoriels de réparation, a attribué une note de 10/10 au petit dernier, le Fairphone4, pour sa facilité de démontage et de réparation. C’est le seul smartphone à obtenir la note maximale.
En revanche, autant dire tout de suite aux adeptes d’innovations technologiques qu’ils risquent d’être déçus. «Le Fairphone n’a pas beaucoup d’atouts techniques, estime Renan, possesseur du Fairphone3 depuis mai 2020. Il se positionne comme un téléphone milieu de gamme. Son principal défaut comparativement aux autres est la qualité des photos.» Pour autant, cet utilisateur technophile est plus que satisfait de son achat. «J’ai installé le système d’exploitation deEFoundation, basé sur une version modifiée d’Android (qui est à la base en open source). Celame garantit un téléphone qui fonctionne rapidement, et surtout, qui n’envoie aucune donnée à Google, et me permet un contrôle très fin du blocage des traceurs des différentes applications.»
Une lutte contre l’obsolescence logicielle
Outre l’obsolescence matérielle, Fairphone s’engage aussi à lutter contre l’obsolescence logicielle. «Fairphone travaille pour maintenir le plus longtemps possible à jour le système d’exploitation Android de ses téléphones, souligne Frédéric Bordage. Car aujourd’hui, la plupart du temps, quand on change de smartphone, ce n’est pas parce qu’il ne marche plus, mais parce que le système d’exploitation n’est plus à jour.» Ainsi, en mars, la marque a proposé encore une mise à jour d’Android sur le Fairphone2, vieux de septans.
Pour Frédéric Bordage,Fairphone démontre avec ses tout petits moyens que «si les gros fabricants souhaitaient réellement produire des smartphones durables, ils pourraient le faire pour un coût de revient de seulement 1ou2dollars supplémentaires par téléphone».